La trace du vol :
Le replay en 3D :
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Le récit du vol :
Avant-vol...
Point météo : belle instabilité au-dessus de 1500m mais hyper stable en-dessous, ce matin il faudra décoller haut et s'appliquer à y rester ! Vent secteur Sud Ouest annoncé, forcissant en fin d’après-midi. Objectif FAI 150 à 200 km, inspiré des vols de Guy Parat et Pierre Hanoux mais en plus petit, allons-y doucement, on découvre le secteur ! Je ne connais qu’environ 30% de ce vol, à savoir la branche jusqu’au Grand Veymont puis le secteur des Richards. Zeno ou Spice ? Je prends la Spice pour être light car bonne petite marche d’approche en perspective, et objectif vol de groupe avec Gary en Sigma 10 donc pour voler au même rythme. De plus il faudra plutôt être agile pour sauter de croupe en croupe et travailler des thermiques qui décalent, la Spice est géniale pour ça.
C'est parti !
10h au déco, bonne brise mais aucune barbulle, ni au-dessus de nous, ni sur la Chartreuse… et grosse inversion 200m sous nos pieds ! Prudence, patience, on profite du paysage et on décolle vers 11h. Une pointe vers l’Est pour se faciliter le bouclage ce soir au cas où on arrive à rentrer au Gua : « la branche de l’optimiste » ! Spoiler : c'était une bonne idée :-D. Les faces Est du Vercors sont comme d'habitude bien généreuses, mais on sent déjà le Sud Ouest dès qu’on sort la tête au-dessus des crêtes. Les voiles qui ont décollé du Serpaton ne parviennent pas à sortir, on a bien fait de décoller haut. Appliqués au Grand Veymont, on prend le temps de travailler jusqu’à surfer au vent du nuage à 2500m, départ pour l'inconnu : direction le Diois ! Premier passage délicat du vol, un peu contré par le Sud-Ouest mais de jolies barbulles sur le plateau nous promettent un joli relais pour traverser le parc du Vercors au-dessus de 300 m/sol comme l'impose la réglementation. Malheureusement, la première partie nous appuie énormément, perte de 500m pour parcourir 2 km… finesse 4, nous voilà piégés à 200 m/sol mais faire demi-tour nous ferait vraiment descendre trop bas sur le parc, voire y poser… on avance encore de quelques mètres, vertical du sentier de randonnée déjà bien fréquenté en ce samedi de vacances scolaires, pour enfin trouver le relais que l’on visait et ressortir rapidement au-dessus de la limite autorisée. Très surpris par ce taux de chute, on avait pourtant bien préparé le vol et on s’était appliqués à soigner le plafond au Grand Veymont, j’espère que ça passera quand même à la CFD avec tolérance, et sinon… bah on a toute la vie pour réessayer !
Bienvenue chez les fauves
Le raccrochage des faces Sud est exceptionnel, elles nous tendent les bras avec au moins 30 vautours fauves qui nous balisent tous les thermiques du coin. Hallucinant, une telle concentration et des envergures impressionnantes, je me demande si c’est pas aujourd’hui le festival de la plume de Die ! On démystifie un à un les passages observés sur la carte grâce aux traces des autres pilotes : merci à Guy, Pierre et autres habitués du coin, et merci l’open data ! Point de contournement de Die fait, on s’applique au retour pour traverser la prochaine bande de GP Vercors bien au-dessus de 300 m/sol. Un décalage de rythme se crée entre Gary et moi, on ne passe plus par les mêmes thermiques mais le chassé-croisé est génial ! C’est même encore mieux car tu voles librement, tout en ayant la présence du pote pas loin qui gonfle le mental, surtout en contrées inconnues… en plus ça occupe en transition de regarder le copain enrouler des missiles… car oui ici on entend déjà l’accent du Sud ! premiers champs de lavande, +5m/s intégré sur 30 secondes, qui nous permettent de maintenir tout de même une moyenne de 20 km/h malgré les transitions difficiles à cause de la tendance Sud. Vivement Ancelle, qu’on se laisse enfin remonter par le vent.
Point-bas à la Croix-Haute...
Le secteur de Lus la Croix Haute, avec les cols devant la Tête de Garnesier qui marquent la frontière entre la Drôme et les Hautes Alpes, me fait un peu souffrir car je mets du temps à comprendre l’aérologie locale. Je ne trouve pas d’appui en brise, suis contré et obligé de contourner par la droite et m’engager dans un canyon peu inspirant, rien pour poser, forêt dense… A mon point limite de demi-tour pour en ressortir et aller vacher à Lus la Croix Haute, je vois 100 mètres devant moi, deux vautours qui enroulent, cadeau du ciel. Je me jette sous leurs plumes et ressort de cette combe pourrie, après documentation il s’agit du col de Pré Pinel. Quel coup de chance d’avoir eu les oiseaux, dans un tel moment je me dis que j’ai été aidé et me demande par qui ils m’ont été envoyés… ému aux larmes, je ressors sur les crêtes dans du thermique couché de chez couché par les brises du coin, c'est pas super agréable mais mental regonflé à bloc, je me jette derrière et fonce à présent vent arrière sur un massif lunaire…
On a marché sur la lune
Mais c'est qu'elle est jolie cette montagne ! Et elle fait flipper, c'est quand même bien caillouteux le coin... faudra que je regarde ce soir comment elle s'appelle ! Bon bah sans le savoir (on s'est vachement bien documentés hein !), on était juste en train de découvrir une montagne mythique du vol libre... bienvenue au Pic de Bure, Super Dévoluy ! Je l’attaque assez bas par un énorme pierrier « blanc de blanc », en soaring doucement jusqu’à trouver le bouchon de champagne Ruinart. Catapulté au nuage à 3500 m sur le Pic de Bure avec les planeurs, et la vraie bonne surprise du moment : le Gary qui me rejoint, génial ! Il a volé un peu plus doucement mais a mieux bétonné les plafonds, bien joué ! Trop content de se retrouver, même si malheureusement il n’est plus en radio, ce qui nous coûtera la fin de vol ensemble. Superbe vue sur Gap à droite et le Dévoluy à gauche, au loin devant moi l’Autane, prochain objectif… ça fait du bien au mental de reconnaître quelques montagnes, surtout après deux heures à traverser des nouveautés dans une aérologie « pour adultes ».
Chacun sa voie
Grâce à un cheminement malin aux barbulles je me place bien en sortie de massif à 3200 m mais il est 16h30, ça fait quand même tard, mauvais temps de passage, du au fait qu’on a préféré attendre 11h pour décoller (et je pense que c’était le bon choix) et qu’on a un peu galéré face au Sud… je commence à penser que le bouclage va être compliqué mais j’ai trop envie de découvrir cette partie de vol de plaine, et me dis qu’au pire je remonterai au maximum vers le Nord et que ça aura déjà fait une superbe découverte. Gary lui, préfère attaquer la remontée, ce que je comprends car j’ai aussi hésité. Bon là d’un coup, on se sent bien seul au-dessus de la plaine ! Le raccrochage sur la petite montagne au nord de la Rochette se fait bien, mais ici la brise lèche le relief sans déclencher de thermique, en tout cas je n’en trouve pas. Je me jette derrière en visant le décollage d’Ancelle, où des voiles sont étalées. Ça ne raccrochera pas sans un petit thermique-relais, je vise bien les zones de contraste en entrée du village de Saint-Hilaire, et trouve un thermique salvateur, qui dérive fort et me permet de raccrocher les pentes où 2 biplaceurs se préparent… ouf, sauvé ! Je pinaille un peu autour de la petite Autane avant de réussir à en sortir proprement, et je peux enfin attaquer le retour dans le vent, il est 17h c’est pas gagné !
La ruée vers le Nord
Heureusement, je connais le coin depuis la compétition des Richards au printemps, de plus les plafonds sont encore au-dessus de 3000m, je m’applique à y monter dès le premier thermique. Dans ces situations, j'aime bien inventer des proverbes. Sur le coup ce sera : "plus t'es haut, plus t'es poussé par le météo" ! 3300 à La Prouveyrat, 3200 au Chaperon, 3300 au Grun de St Maurice, 2800 à Notre Dame de la « Sellette » :-D, le tout à 50km/h bras hauts, enfin une belle branche efficace ! Et magnifique balcon sur les Ecrins ! La moyenne remonte...
Le piège du jour
Sans le savoir (car quand on observe les traces tout parait logique et limpide, mais quand on y est c'est une autre histoire...) j’arrive dans un secteur piégeux, au-dessus de Valbonnais : la remontée sur le Coiro est assez difficile donc je m’écarte sur la gauche pour passer une ligne de Crête mais erreur, je suis méchamment sous le vent !! La lecture de terrain me faisait croire que j’étais bien au vent mais non, en fait c’est la vallée de derrière, Oris-en-Rattier, qui prend le dessus. C’est malheureusement ce qui coûtera le bouclage à Gary, qui avait raccourci le triangle sans faire la point à Ancelle mais qui malheureusement raccroche trop bas ici. Je me cache sous le vent puis profite du relief qui s'enfonce pour sortir le bout du nez...la Spice se dandine très gracieusement, ça se pilote mais pas de mauvaise surprise, je passe le col à 2m/sol, puis pinaille un long moment de l’autre côté avant de ressortir de cette combe. Dommage, j’ai de nouveau perdu 20 minutes sur ce secteur alors que la moyenne remontait bien ! Gary pose dans cette vallée, piégé par la même erreur d'analyse que moi mais lui n'avait pas la réserve de hauteur suffisante pour passer.
Bouclage au maïs
La suite se passe mieux, 2500 sous la Pyramide, la base des cumulus est toujours à 3000+ mais fin de la convection, je ne pourrai plus les rejoindre aujourd’hui… Un point de contournement au Nord vers Chamrousse, je suis sous la station à 1300 m, demi-tour pour me rapprocher le plus possible du Gua sans espoir de boucler, il me reste 13 km à parcourir. Mais... magie du soir, la restitution est bien là donc je gratte chaque mètre possible et les km défilent vite, légèrement poussé par les miettes de brise ! Je parviens même à passer le col entre Vizille et Champ sur Drac avec une branche magique à 20h15 dans une masse d’air qui me fait flotter à -0,5 m/s, avec coucher de soleil qui disparaît derrière les crêtes du Vercors. Au final ça fait les 13 km en consommant 1000m, une belle fin de vol à 13 de finesse ! Triangle bouclé pour quelques mètres, en allant chercher le coin du dernier champ posable avant une lisière de forêt. Enfin quand je dis posable, tout est relatif ! Disons que quand t'es piqué par l'objectif de performance, tu réduis un peu les marges... alors méfiat ! ce coup-là c'est passé, c'était juste du maïs de 2m50 de haut... je ne jouerai pas à chaque fois quand même.
J’ai l’impression d’avoir traversé 5 pays tellement les paysages furent diversifiés, et suis passé par toutes les émotions que notre sport peut nous procurer… Ce vol est assez technique, mais quel potentiel sur ce parcours ! Très content de l’avoir réussi, et pressé de le retenter une prochaine belle journée en volant plus vite pour aller étendre le triangle du côté d’Allevard le soir, et cette fois je l’espère, boucler à la voiture !
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